Page:De Charrière - Bien-né. Nouvelles et anecdotes. Apologie de la flatterie.djvu/19

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tinuoit à s’aſtreindre, ne lui coûtoit plus du tout. Le neuvieme jour, il demanda des livres. Le dixieme, après quelques heures de lecture, il regarda pour la premiere fois les chefs-d’œuvres de peinture & de ſculpture dont il étoit environné. Le onzieme, il chercha parmi ſes courtiſans, celui avec qui il pourroît le mieux s’entretenir de ſes lectures. Le douzieme, il chaſſa avec un médiocre plaiſir ; & de retour de la chaſſe, il ordonna qu’on vendit les trois quarts de ſes chiens & de ſes chevaux, mais quant à ceux qui en prenoient ſoin, il leur permit de reſter ſans rien faire, juſqu’à ce qu’il put les employer autrement. Il s’apperçut, le treizieme jour, qu’il n’avoit eu depuis trois ſemaines aucune fantaiſie coûteuſe, aucune complaiſance dangereuſe, & cela le fit travailler avec ſes miniſtres beaucoup plus gaiement & donner ſon avis beaucoup plus nettement qu’il ne l’avoit jamais fait. Le quatorzieme il remarqua qu’autour de lui tout prenoit une face nouvelle ; que les phyſionomies qui lui avoient toujours paru les plus ouvertes & les plus agréables devenoient riantes & ſe-