Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/105

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deux vivent dans les ténèbres, tous deux détestent la lumière. — Pensez à eux, madame.

» Le coquelicot est brillant et bien mis ; il a bon air et bon ton, mais il a le grand tort de se croire supérieur à l’épi, son voisin. L’un sert à faire le pain, l’autre fait dormir. L’un est un dandy d’insipide commerce, car il est vide, l’autre est énergique et plein. Je n’aime ni ne déleste les coquelicots, cependant, s’ils encombraient le champ, s’ils gênaient les épis dans leur développement, ne voudriez-vous point en supprimer quelques-uns ?

» Il existe, chez nous, beaucoup de castors honnêtes, laborieux et paisibles. N’y touchez point, madame, nous vous en supplions. Mais quelques autres tiennent de fréquents conciliabules où il n’est question de rien moins que de déclarer une guerre à mort aux fauvettes, aux rossignols, aux pinsons, en un mot, à tous les artistes et à tous les poëtes. D’aucuns, plus farouches, ont proposé de raser toutes les fleurs du globe. Et tous disent que le chant et la couleur ne servent à rien et les ennuient. Madame, les oiseaux tremblent, les fleurs frissonnent. Ayez l’œil sur ces méchants parleurs. On ne sait jusqu’où peut aller la colère d’un castor ennuyé de chant et de couleur.

» Il se trouve dans nos forêts, venus on ne sait d’où, beaucoup de perroquets de divers plumages. Tout ce que