Page:De Coster - La Légende d’Ulenspiegel, 1869.djvu/154

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entrer commodément tout ce qui mène les bœufs, les porcs, les moutons, & tu me fais de la chauſſure au pied de ces animaux.

Ulenſpiegel répondit :

Baes, qui donc mène le verrat, sinon la truie, l’âne sinon l’âneſſe, le taureau sinon la géniſſe, le bélier sinon la brebis, en la saiſon où toutes bêtes sont amoureuſes ?

Puis il s’en fut & dut reſter dehors


LXV


On était pour lors en avril, l’air avait été doux, puis il gela rudement & le ciel fut gris comme un ciel du jour des morts. La troiſième année de banniſſement d’Ulenſpiegel était depuis longtemps écoulée & Nele attendait tous les jours son ami : « Las ! diſait-elle, il va neiger sur les poiriers, sur les jaſmins en fleurs, sur toutes les pauvres plantes épanouies avec confiance à la tiède chaleur d’un précoce renouveau. Déjà de petits flocons tombent du ciel sur les chemins. Et il neige auſſi sur mon pauvre cœur.

« Où sont-ils les clairs rayons se jouant sur les viſages joyeux, sur les toits qu’ils faiſaient plus rouges, sur les vitres qu’ils faiſaient flambantes ? Où sont-ils, réchauffant la terre & le ciel, les oiſeaux & les inſectes ? Las ! maintenant, de nuit & de jour, je suis refroidie de triſteſſe & longue attente. Où es-tu, mon ami Ulenſpiegel ? »


LXVI


Ulenſpiegel, approchant de Renaix en Flandre, eut faim & soif, mais il ne voulait point geindre, & il eſſayait de faire rire les gens pour qu’on lui donnât du pain. Mais il riait mal toutefois, & les gens paſſaient sans rien donner.

Il faiſait froid : tour à tour il neigeait, pleuvait, grêlait sur le dos du vagabond. S’il paſſait par les villages, l’eau lui venait à la bouche rien qu’à voir un chien rongeant un os au coin d’un mur. Il eût bien voulu gagner