À roi parjure peuple rebelle. |
— Oui, compères & amis, dit Ulenſpiegel, oui, ils ont dreſſé à Anvers, devant la Maiſon Commune, un éclatant échafaud couvert de drap rouge ; le duc y eſt aſſis comme un roi sur son trône au milieu des eſtafiers & des soudards. Voulant sourire bénévolement, il fait aigre grimace. Battez le tambour de guerre !
Il a octroyé un pardon : faites silence : sa cuiraſſe dorée reluit au soleil, le grand prévôt eſt à cheval à côté du dais : voici venir le héraut avec ses timbaliers ; il lit : c’eſt le pardon pour tous ceux qui n’ont point péché ; les autres seront punis cruellement.
Oyez, compères, il lit l’édit qui commande, sous peine de rébellion, le payement des dixième & vingtième deniers. »
Et Ulenſpiegel chanta :
La forte rumeur ? C’eſt la mer qui monte
Au temps des grandes houles.
Aſſez d’argent, aſſez de sang,
Aſſez de ruines ! Battez le tambour !
Le glaive eſt tiré. Battez le tambour de deuil !
C’eſt le coup d’ongle sur la plaie sanglante,
Le vol après le meurtre. Te faut-il donc
Mêler tout notre or à notre sang pour le boire ?
Nous marchions dans le devoir, féaux
À Sa Majeſté Royale. Sa Majeſté eſt parjure,
Nous sommes dégagés de serments. Battez le tambour de guerre.
Duc d’Albe, duc de sang,
Vois ces échoppes & ces boutiques fermées,
Vois ces braſſeurs, boulangers, épiciers,
Refuſant de vendre pour ne payer point.
Qui donc te salue quand tu paſſes ?
Perſonne. Sens-tu, comme un brouillard de peſte,
Haine & Mépris t’environner ?
Ô duc ! entends-tu la voix du populaire,