la compagnie d’un gros moine panſard, lequel le patrocinait colériquement, le voulant faire rentrer au giron de notre mère sainte Égliſe. Mais le jeune gars ne voulait point. Il s’en va avec Ulenſpiegel. Dans l’entre-temps, Lamme, happant le moine au capuchon le faiſait marcher devant lui dans les rues d’Anvers, diſant :
— Tu vaux cent florins de rançon : trouſſe ton bagage & marche devant. Que tardes-tu ? As-tu du plomb dans tes sandales ? Marche, sac à lard, huche de mangeaille, ventre de soupe.
Le moine diſait avec fureur :
— Je marche, Monſieur le Gueux, je marche ; mais sauf tout reſpect que je dois à votre arquebuſe, vous êtes pareillement à moi ventru, panſard & gros homme.
Mais Lamme le pouſſant :
— Oſes-tu bien, vilain moine, dit-il, comparer ta graiſſe clauſtrale, inutile, fainéante, à ma graiſſe de Flamand nourrie honnêtement par labeurs, fatigues & batailles. Cours, ou je te ferai aller comme chien, & ce avec l’éperon du bout de ma semelle.
Mais le moine ne pouvait courir, & il était tout eſſoufflé & Lamme pareillement. Et ils vinrent ainſi au navire.
XXI
Ayant pris Rammekens, Gertruydenberg, Alckmaer, les Gueux rentrent à Fleſſingue.
Nele guérie attendait au port Ulenſpiegel.
— Thyl, dit-elle, le voyant, mon ami Thyl, n’es-tu bleſſé ?
Ulenſpiegel chanta :
J’ai mis : « Vivre » sur mon drapeau,
Vivre toujours à la lumière :
De cuir eſt ma peau première,
D’acier ma seconde peau.
— Las ! diſait Lamme traînant la jambe : les balles, grenades, boulets à chaîne pleuvent autour de lui, il n’en sent que le vent. Tu es eſprit sans