hommes brûlés ; des femmes, des filles enterrées vives ; la revanche du paſſé enchaîné & saignant. Le feu c’eſt nous ; nous sommes les âmes des morts.
À ces mots les sept furent changés en statues de bois sans rien perdre de leur forme première.
Et une voix dit :
— Ulenſpiegel, brûle le bois.
Et Ulenſpiegel se tournant vers les follets :
— Vous qui êtes de feu, dit-il, faites votre office.
Et les follets en foule entourèrent les sept, qui brûlèrent & furent réduits en cendres.
Et un fleuve de sang coula.
De ces cendres sortirent sept autres figures ; la première dit :
— Je me nommais Orgueil, je m’appelle Fierté noble. Les autres parlèrent auſſi, & Ulenſpiegel & Nele virent d’Avarice sortir Économie ; de Colère, Vivacité ; de Gourmandiſe, Appétit ; d’Envie, Émulation, & de Pareſſe, Rêverie des poètes & des sages. Et la Luxure, sur sa chèvre, fut changée en une belle femme qui avait nom Amour.
Et les follets danſèrent autour d’eux une ronde joyeuſe.
Ulenſpiegel & Nele entendirent alors mille voix d’hommes & de femmes cachés, sonores, ricaſſantes, qui, donnant un son pareil à celui de cliquettes, chantaient :
Quand sur la terre & quand sur l’onde
Ces sept tranſformés règneront,
Hommes, alors levez le front :
Ce sera le bonheur du monde.
Et Ulenſpiegel dit : « Les eſprits se gauſſent de nous. »
Et une puiſſante main saiſit Nele par le bras & la jeta dans l’eſpace.
Et les eſprits chantèrent :
Quand le septentrion
Baiſera le couchant,
Ce sera fin de ruines :
Cherche la ceinture.
— Las ! dit Ulenſpiegel : septentrion, couchant & ceinture. Vous parlez obſcurément, meſſieurs les Eſprits.