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DE LOCHEILL ET BLANCHE.

révérence qu’elle aurait faite à un étranger. Quant à mon oncle Raoul, il salua avec une politesse froide : il n’aimait pas les Anglais, et jurait contre eux, depuis la conquête, avec sa verve peu édifiante pour des oreilles pieuses.

— Je veux qu’un Iroquois me grille, fit le capitaine en s’adressant à Arché, si un seul d’entre eux vous reconnaît. Voyons ; regardez bien ce gentilhomme : dix ans ne doivent pas l’avoir effacé de votre mémoire : je l’ai, moi, reconnu tout de suite. Parle, Blanche : tu dois, étant beaucoup plus jeune, avoir de meilleurs yeux que les autres.

— Je crois, dit celle-ci bien bas, que c’est M. de Locheill.

— Eh ! oui ! dit M. d’Haberville, c’est Arché qui a vu Jules dernièrement à Paris ; et il nous apporte de lui des lettres qui contiennent de bonnes nouvelles. Que faites-vous donc, Arché, que vous n’embrassez pas vos anciens amis !

Toute la famille, qui ignorait jusqu’alors le changement du capitaine en faveur d’Arché, dont elle n’avait jamais osé prononcer le nom en sa présence, toute la famille qui n’attendait que l’assentiment du chef pour faire à Arché l’accueil le plus amical, fit éclater sa joie avec un abandon qui toucha de Locheill jusqu’aux larmes.

La dernière lettre de Jules contenait le passage suivant :

« J’ai pris les eaux de Barèges pour mes blessures, et, quoique faible encore, je suis en pleine convalescence. Le rapport des médecins est qu’il me faut du repos, et que les travaux de la guerre sont pour longtemps au-dessus de mes forces. J’ai