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UN SOUPER CHEZ UN SEIGNEUR CANADIEN.

Après ces paroles, l’étranger disparut encore au pied du même coteau.

Larouche se le tint pour dit, et accepta ensuite, avec reconnaissance, le bien que le bon Dieu lui faisait, sans se mêler de vouloir régler les saisons.

— J’aime beaucoup, dit Arché, cette légende dans sa naïve simplicité : elle donne une leçon de morale bien sublime, en même temps qu’elle montre la foi vive de vos bons habitants de la Nouvelle-France. Maudit soit le cruel philosophe qui chercherait à leur ravir les consolations qu’elle leur donne dans les épreuves sans nombre de cette malheureuse vie !

Il faut avouer, reprit Arché dans un moment où ils étaient éloignés de la voiture, que l’ami José a toujours une légende prête à raconter à propos ; mais crois-tu que son père lui ait rapporté lui-même son rêve merveilleux sur les côtes de Saint-Michel ?

— Je vois, dit Jules, que tu ne connais pas tous les talents de José : c’est un faiseur de contes inépuisable. Les voisins s’assemblent dans notre cuisine pendant les longues soirées d’hiver ; José leur fait souvent un conte qui dure pendant des semaines entières. Quand il est à bout d’imagination, il leur dit : je commence à être fatigué : je vous conterai le reste un autre jour.

José est aussi un poète beaucoup plus estimé que mon savant oncle le chevalier, qui s’en pique pourtant. Il ne manque jamais de sacrifier aux muses, soit pour les jours gras, soit pour le jour de l’an. Si tu eusses été chez mon père à ces époques, tu aurais vu des émissaires arriver de toutes les parties de la paroisse pour emporter les productions de José.

— Mais il ne sait pas écrire, dit Arché ?