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LES ANCIENS CANADIENS.

passèrent de leur chambre dans une de celles qui donnaient sur la cour du manoir, où une scène des plus animées s’offrit à leurs regards. Une centaine d’habitants disséminés çà et là par petits groupes l’encombraient. Leurs longs fusils, leurs cornes à poudre suspendues au cou, leurs casse-têtes passés dans la ceinture, la hache dont ils étaient armés, leur donnaient plutôt l’apparence de gens qui se préparent à une expédition guerrière, que celle de paisibles cultivateurs.

De Locheill, que ce spectacle nouveau amusait beaucoup, voulut sortir pour se joindre aux groupes qui entouraient le manoir, mais Jules s’y opposa en disant que c’était contre l’étiquette ; qu’ils étaient tous censés ignorer ce qui se passait au dehors, où tout était mouvement et activité. Les uns, en effet, étaient occupés à la toilette du mai, d’autres creusaient la fosse profonde dans laquelle il devait être planté, tandis que plusieurs aiguisaient de longs coins pour le consolider. Ce mai était de la simplicité la plus primitive : c’était un long arbre de sapin ébranché et dépouillé jusqu’à la partie de sa cime, appelée le bouquet : ce bouquet ou touffe de branches, d’environ trois pieds de longueur, toujours proportionné néanmoins à la hauteur de l’arbre, avait un aspect très agréable tant qu’il conservait sa verdeur ; mais desséché ensuite par les grandes chaleurs de l’été, il n’offrait déjà plus en août qu’un objet d’assez triste apparence. Un bâton peint en rouge, de six pieds de longueur, couronné d’une girouette peinte en vert, et ornée d’une grosse boule de même couleur que le bâton, se coulait dans les interstices des branches du bouquet ; et une fois cloué à l’arbre, complétait la toilette du mai. Il