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LA SAINT-JEAN-BAPTISTE.

s’excusaient de leur mieux et recommençaient leurs gambades, malgré les signes réitérés de Blanche, qui, aimant beaucoup son oncle, cherchait à éviter tout ce qui pouvait lui déplaire. La route était en effet d’autant plus agréable, que le chemin royal était tracé au milieu d’arbres de toutes espèces qui interceptaient, de temps à autre, la vue du fleuve Saint-Laurent, dont il suivait les sinuosités, jusqu’à ce qu’une clairière offrît de nouveau ses ondes argentées.

Arrivés à une de ces clairières, qui leur permettait d’embrasser du regard tout le panorama, depuis le cap Tourmente jusqu’à la Malbaie, de Locheill ne put retenir un cri de surprise, et s’adressant à mon oncle Raoul :

— Vous, monsieur, qui expliquez si bien les merveilles du ciel, vous plairait-il d’abaisser vos regards vers la terre, et de me dire ce que signifient toutes ces lumières qui apparaissent simultanément sur la côte du nord, aussi loin que la vue peut s’étendre ? Ma foi, je commence à croire à la légende de notre ami José : le Canada est vraiment la terre des lutins, des farfadets, des génies, dont ma nourrice berçait mon enfance dans mes montagnes d’Écosse.

— Ah ! dit mon oncle Raoul, arrêtons-nous ici un instant : ce sont les gens du nord qui, la veille de la Saint-Jean-Baptiste, écrivent à leurs parent et amis de la côte du sud. Ils ne se servent ni d’encre, ni de plume pour donner de leurs nouvelles ! Commençons par les Éboulements : onze décès de personnes adultes dans cette paroisse depuis l’automne, dont trois dans la même maison, chez mon ami Dufour : il faut que la picote ou quelques fièvres malignes aient