Aller au contenu

Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
175
LE BON GENTILHOMME.

sauvage lui est bien supérieur. En voici un exemple assez amusant. Un Iroquois contemplait, il y a quelques années, à New-York, un vaste édifice d’assez sinistre apparence ; ses hauts murs, ses fenêtres grillées l’intriguaient beaucoup : c’était une prison.

Arrive un magistrat.

— Le visage pâle veut-il dire à son frère, fit l’indien, à quoi sert ce grand wigwam ?

Le citadin se rengorge et répond d’un ton important :

— C’est là qu’on renferme les peaux-rouges qui refusent de livrer les peaux de castor qu’ils doivent aux marchands.

L’Iroquois examine l’édifice avec un intérêt toujours croissant, en fait le tour, et demande à être introduit dans l’intérieur de ce wigwam merveilleux. Le magistrat, qui était aussi marchand, se donne bien garde de le refuser, espérant inspirer une terreur salutaire aux autres sauvages, auxquels celui-ci ne manquerait pas de raconter les moyens spirituels, autant qu’ingénieux, qu’ont les visages pâles pour obliger les peaux-rouges à payer leurs dettes.

L’Iroquois visite tout l’édifice avec le soin le plus minutieux, descend dans les cachots, sonde les puits, prête l’oreille aux moindres bruits qu’il entend ; et finit par dire en riant aux éclats :

— Mais sauvages pas capables de prendre castors ici ?

L’indien dans cinq minutes donna la solution d’un problème que l’homme civilisé n’a pas encore eu le bon sens, le gros sens commun de résoudre après des siècles d’études. Cet homme si simple, si ignorant, ne pouvant croire à autant de bêtise de la part d’une nation civilisée, dont il admirait les vastes inventions, avait cru tout bonnement qu’on avait pratiqué des