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LES ANCIENS CANADIENS.

Elle s’écriait alors :

— Quand donc, mon Dieu ! quand aurai-je ce bonheur ?

Elle se traînait au pied de la statue de la sainte Vierge, cette mère des grandes douleurs ; et il lui semblait que les yeux de la madone s’attristaient, et qu’elle y lisait cette douloureuse sentence :

— Souffre comme moi avec résignation, ô fille d’Ève ! jusqu’au jour glorieux où tu seras récompensée de toutes tes souffrances !

Et la pauvre mère s’écriait de nouveau :

— Quand donc ! ma bonne sainte Vierge, arrivera ce jour béni !

Elle arrosait le plancher de ses larmes, et s’en retournait chez elle en gémissant.

La pauvre mère, après avoir prié un jour avec plus de ferveur encore que de coutume, après avoir versé des larmes plus abondantes, s’endormit dans l’église : l’épuisement amena, sans doute, le sommeil. Le bedeau ferma l’édifice sacré sans remarquer sa présence. Il pouvait être près de minuit lorsqu’elle s’éveilla : un rayon de lune, qui éclairait le sanctuaire, lui révéla qu’elle était toujours dans l’église. Loin d’être effrayée de sa solitude, elle en ressentit de la joie ; si ce sentiment pouvait s’allier avec l’état souffrant de son pauvre cœur !

— Je vais donc prier, dit-elle, seule avec mon Dieu ! seule avec la bonne Vierge ! seule avec moi-même !

Comme elle allait s’agenouiller, un bruit sourd lui fit lever la tête : c’était un vieillard, qui, sortant d’une des portes latérales de la sacristie, se dirigeait, un cierge allumé à la main, vers l’autel. Elle vit, avec