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LES ANCIENS CANADIENS.

sage à une procession de petits enfants, qui, marchant deux à deux, défilèrent, après avoir traversé le chœur, dans l’allée du côté de l’épître. Ces enfants, dont les plus âgés paraissaient avoir à peine six ans, portaient des couronnes d’immortelles, et tenaient dans leurs mains, les uns des corbeilles pleines de fleurs, et des petits vases remplis de parfum, les autres des petites coupes d’or et d’argent contenant une liqueur transparente. Ils s’avançaient tous d’un pas léger ; et la joie rayonnait sur leurs visages célestes. Une seule, une petite fille, à l’extrémité de la procession, semblait suivre les autres péniblement, chargée qu’elle était de deux immenses seaux qu’elle traînait avec peine. Ses petits pieds, rougis par la pression, ployaient sous le fardeau, et sa couronne d’immortelles paraissait flétrie. La pauvre mère voulut tendre les bras, pousser une acclamation de joie en reconnaissant sa petite fille, mais ses bras et sa langue se trouvèrent paralysés. Elle vit défiler tous ces enfants près d’elle dans l’allée du côté de l’évangile, et en reconnut plusieurs que la mort avait récemment moissonnés. Lorsque sa petite fille, ployant sous le fardeau, passa aussi à ses côtés, elle remarqua qu’à chaque pas qu’elle faisait, les deux seaux, qu’elle traînait avec tant de peine, arrosaient le plancher de l’eau dont ils étaient remplis jusqu’au bord. Les yeux de l’enfant, lorsqu’ils rencontrèrent ceux de sa mère, exprimèrent la tristesse, ainsi qu’une tendresse mêlée de reproches. La pauvre femme fit un effort pour l’enlacer dans ses bras, mais perdit connaissance. Lorsqu’elle revint de son évanouissement, tout avait disparu.

Dans un monastère, à une lieue du village,