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INCENDIE DE LA CÔTE SUD.

Seigneur d’Haberville, à celui qui pendant mon exil m’a reçu et traité comme son propre fils : au nom de Dieu ! major Montgomery, donnez vous-même l’ordre de destruction.

— Je n’aurais jamais pu croire, reprit le major, qu’un officier de Sa Majesté Britannique eût osé parler de trahison envers son souverain.

— Vous oubliez, monsieur, fit Arché se contenant à peine, que j’étais alors un enfant. Mais encore une fois, je vous en conjure au nom de ce que vous avez de plus cher au monde, donnez l’ordre vous-même, et ne m’obligez pas à manquer à l’honneur, à la gratitude en promenant la torche incendiaire sur les propriétés de ceux qui dans mon infortune m’ont comblé de bienfaits.

— J’entends, reprit, en ricanant, le major : monsieur se réserve une porte pour rentrer en grâce avec ses amis quand l’occasion s’en présentera.

À cette cruelle ironie, Arché hors de lui-même fut tenté un instant, un seul instant, de tirer sa claymore et de lui dire :

— Si vous n’êtes pas aussi lâche qu’insolent, défendez-vous, major Montgomery !

La raison vint heureusement à son aide ; sa main, au lieu de se porter à son sabre, se dirigea machinalement vers sa poitrine qu’il déchira de rage avec ses ongles. Il se ressouvint alors des paroles de la sorcière du domaine :

« Garde ta pitié pour toi-même, Archibald de Locheill, lorsque contraint d’exécuter un ordre barbare, tu déchireras avec tes ongles cette poitrine qui recouvre pourtant un cœur noble et généreux. »

– Elle était bien inspirée par l’enfer cette femme,