hémisphère, et que je lui eusse dit : « épargne cette maison, car elle appartient à mes amis ; j’étais errant et fugitif et ils m’ont accueilli dans leur famille, où j’ai trouvé un père et des frères », le chef indien m’aurait répondu : « c’est bien ; épargne tes amis : il n’y a que le serpent qui mord ceux qui l’ont réchauffé près de leur feu. »
J’ai toujours vécu, continua de Locheill, dans l’espoir de rejoindre un jour mes amis du Canada, d’embrasser cette famille que j’ai tant aimée et que j’aime encore davantage aujourd’hui, s’il est possible. Une réconciliation n’était pas même nécessaire : il était trop naturel que j’eusse cherché à rentrer dans ma patrie, à recueillir les débris de la fortune de mes ancêtres, presque réduite à néant par les confiscations du gouvernement britannique. Il ne me restait d’autre ressource que l’armée, seule carrière digne d’un Cameron of Locheill. J’avais retrouvé la claymore de mon vaillant père, qu’un de mes amis avait rachetée parmi le butin fait par les Anglais sur le malheureux champ de bataille de Culloden. Avec cette arme, qui n’a jamais trahi un homme de ma race, je rêvais une carrière glorieuse. J’ai bien été peiné, lorsque j’ai appris que mon régiment devait joindre cette expédition dirigée contre la Nouvelle-France ; mais un soldat ne pouvait résigner, sans déshonneur, en temps de guerre : mes amis l’auraient compris. Plus d’espoir maintenant pour l’ingrat qui a brûlé les propriétés de ses bienfaiteurs ! Jules d’Haberville, celui que j’appelais jadis mon frère, sa bonne et sainte mère, qui était aussi la mienne par adoption, cette belle et douce jeune fille, que j’appelais ma sœur, pour cacher un sentiment plus tendre