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Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/227

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UNE NUIT AVEC LES SAUVAGES.

Les yeux du Canadien lancèrent des flammes ; il serra fortement le manche de sa hache ; mais, se ravisant tout à coup, il secoua d’un air indifférent les cendres de la partie du casse-tête qui servait de pipe aux Français aussi bien qu’aux sauvages dans leurs guerres de découvertes. Quoique le premier mouvement hostile de Dumais n’eût point échappé à l’œil de lynx de son compagnon, il n’en continua pas moins à fumer tranquillement.

Les paroles de Dumais, lorsque de Locheill l’avait reconnu, avaient fait renaître l’espérance dans son âme ; et il se rattachait à cette vie, dont il avait d’abord fait le sacrifice avec résignation, en bon chrétien, et en homme courageux. Malgré les remords cuisants qui lui déchiraient le cœur, il était bien jeune pour faire, sans regret, ses adieux à la vie et à tout ce qu’il avait de plus cher au monde ! Pouvait-il sans amertume renoncer à la brillante carrière des armes qui avait illustré un si grand nombre de ses ancêtres ! Pouvait-il, lui, le dernier de sa race, enfouir sans regret dans la tombe le blason taché des Cameron de Locheill ! Pouvait-il faire sans regret ses adieux à la vie, en pensant qu’il laisserait la famille d’Haberville sous l’impression qu’elle avait réchauffé une vipère dans son sein ; en pensant que son nom ne serait prononcé qu’avec horreur par les seuls amis sincères qu’il eût au monde ; en pensant au désespoir de Jules et aux imprécations de l’implacable capitaine ; à la douceur muette de cette bonne et sainte femme qui l’appelait son fils, et de cette belle et douce jeune fille qui l’appelait jadis son frère, et à laquelle il avait espéré donner un jour un nom plus tendre ! Arché était donc bien jeune pour mourir. En ressaisissant