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LES ANCIENS CANADIENS.

— C’est vrai, fit l’Indien : que mon frère parle et son frère l’écoute.

— Quand la Grand’-Loutre était malade, il y a trois ans, reprit le Canadien, Dumais lui a raconté son aventure, lorsque les glaces du printemps l’emportaient dans la chute du Saint-Thomas, et comment il fut sauvé par un jeune Écossais, qui arrivait le soir chez le seigneur de Beaumont.

— Mon frère me l’a racontée, dit l’Indien, et il m’a montré les restes de l’îlot où, suspendu sur l’abîme, il attendait la mort à chaque instant. La Grand’-Loutre connaissait déjà la place et le vieux cèdre auquel mon frère se tenait.

— Eh bien ! reprit Dumais en se levant et ôtant sa casquette, ton frère déclare, en présence du Grand-Esprit, que le prisonnier est le jeune Écossais qui lui a sauvé la vie !

L’Indien poussa un cri terrible, que les échos des montagnes répétèrent avec l’éclat de la foudre, se releva d’un bond en tirant son couteau, et se précipita sur le prisonnier. De Locheill, qui n’avait rien compris à leur conversation, crut qu’il touchait au dernier moment de son existence, et recommanda son âme à Dieu, quand, à sa grande surprise, le sauvage coupa ses liens, lui secoua fortement les mains avec de vives démonstrations de joie, et le poussa dans les bras de son ami.

Dumais pressa, en sanglotant, Arché contre sa poitrine, puis s’agenouillant, s’écria :

— Je vous ai prié, ô mon Dieu ! d’étendre votre main protectrice sur ce noble et généreux jeune homme ; ma femme et mes enfants n’ont cessé de faire les mêmes prières : merci, merci, mon Dieu ! merci de m’avoir