CHAPITRE QUATORZIÈME.
les plaines d’abraham.
Væ victis ! dit la sagesse des nations ; malheur aux vaincus ! non seulement à cause des désastres, conséquences naturelles d’une défaite, mais aussi parce que les vaincus ont toujours tort. Ils souffrent matériellement, ils souffrent dans leur amour-propre blessé, ils souffrent dans leur réputation comme soldats. Qu’ils aient combattu un contre dix, un contre vingt, qu’ils aient fait des prodiges de valeur, ce sont toujours des vaincus ; à peine trouvent-ils grâce chez leurs compatriotes. L’histoire ne consigne que leur défaite. Ils recueillent bien, par-ci par-là, quelques louanges des écrivains de leur nation, mais ces louanges sont presque toujours mêlées de reproches. On livre une nouvelle bataille la plume et le compas à la main ; on enseigne aux mânes des généraux dont les corps reposent sur des champs de carnage vaillamment défendus, ce qu’ils auraient dû faire pour être au nombre des vivants ; on démontre victorieusement, assis dans un fauteuil bien bourré, par quelles savantes manœuvres les vaincus seraient sortis triom-