Aller au contenu

Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
246
LES ANCIENS CANADIENS.

il remarqua que le moulin de Dumont était évacué par les grenadiers français, occupés à la poursuite de leurs ennemis dont ils faisaient un grand carnage ; profitant de cette circonstance pour dérober sa marche à l’ennemi, il défila entre cette position et le bois adjacent. Ce fut alors qu’il crut entendre prononcer son nom ; et se détournant, il vit sortir du bosquet un officier, le bras en écharpe, la tête couverte d’un linge sanglant, l’uniforme en lambeaux, qui, l’épée à la main, s’avançait en chancelant vers lui.

— Que faites-vous, brave Cameron de Locheill, cria l’inconnu ! Le moulin est évacué par nos vaillants soldats : il n’est pas même défendu par des femmes, des enfants et des vieillards infirmes ! retournez sur vos pas, valeureux Cameron, il vous sera facile de l’incendier pour couronner vos exploits !

Il était impossible de se méprendre à la voix railleuse de Jules d’Haberville, quoique son visage, souillé de sang et de boue, le rendît méconnaissable.

Arché, à ces paroles insultantes, n’éprouva qu’un seul sentiment, celui d’une tendre compassion pour l’ami de sa jeunesse, pour celui qu’il désirait depuis longtemps presser dans ses bras. Son cœur battit à se rompre ; un sanglot déchirant s’échappa de sa poitrine, car il lui sembla entendre retentir de nouveau les paroles de la sorcière du domaine :

— « Garde ta pitié pour toi-même, tu en auras besoin, lorsque tu porteras dans tes bras le corps sanglant de celui que tu appelles maintenant ton frère ! Je n’éprouve qu’une grande douleur, ô Archibald de Locheill ! c’est celle de ne pouvoir te maudire ! malheur ! malheur ! malheur ! »

Aussi Arché, sans égard à la position critique