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LES ANCIENS CANADIENS.

protecteur assez puissant pour m’obtenir cette faveur ; mais, foi de gentilhomme, je lui en conserverai une reconnaissance éternelle.

— Eh bien ! mon ami, c’est au jeune Écossais Archibald de Locheill que tu dois cette reconnaissance éternelle.

— J’ai défendu, s’écria le capitaine, de prononcer en ma présence le nom de cette vipère que j’ai réchauffée dans mon sein !

Et les grands yeux noirs de M. d’Haberville lancèrent des flammes (j).

— J’ose me flatter, dit M. de Saint-Luc, que cette défense ne s’étend pas jusqu’à moi ; je suis ton ami d’enfance, ton frère d’armes, je connais toute l’étendue des devoirs auxquels l’honneur nous oblige ; et tu ne me répondras pas comme tu l’as fait à ta sœur la supérieure de l’Hôpital-Général, quand elle a voulu plaider la cause d’un jeune homme innocent : « assez, ma sœur ; vous êtes une sainte fille, obligée par état de pardonner à vos plus cruels ennemis, à ceux même qui se sont souillés de la plus noire ingratitude envers vous ; mais moi, ma sœur, vous savez que je n’oublie jamais une injure : c’est plus fort que moi ; c’est dans ma nature. Si c’est un péché, Dieu m’a refusé les grâces nécessaires pour m’en corriger. Assez, ma sœur, et ne prononcez jamais son nom en ma présence, ou je cesserai tout rapport avec vous. » Non, mon cher ami, continua monsieur de Saint-Luc, tu ne me feras pas cette réponse, et tu vas me prêter attention.

Monsieur d’Haberville, connaissant trop les devoirs de l’hospitalité pour imposer silence à son ami, sous son toit, prit le parti de se taire, fronça ses épais sour-