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LES ANCIENS CANADIENS.

veillance. Oh ! oui, général, c’est une grâce bien précieuse pour moi que j’ai à solliciter.

— Parlez, capitaine, dit Murray, car je suis disposé à faire beaucoup pour vous.

— S’il s’agissait de moi, reprit Arché, je n’aurais rien à désirer de plus ; mais j’ai à vous prier pour autrui et non pour moi personnellement. La famille d’Haberville, ruinée, comme tant d’autres, par notre conquête, a reçu ordre de votre Excellence de partir prochainement pour la France ; et il leur a été impossible de vendre le peu de propriétés qui lui restent des débris d’une fortune jadis florissante. Accordez-leur, général, je vous en conjure, deux ans pour mettre un peu d’ordre à leurs affaires. Votre Excellence sait que je dois beaucoup de reconnaissance à cette famille, qui m’a comblé de bienfaits, pendant un séjour de dix ans dans cette colonie. C’est moi qui, en obéissant aux ordres de mon supérieur, ai complété leur ruine en incendiant leurs immeubles de Saint-Jean-Port-Joli. De grâce, général, un répit de deux ans, et vous soulagerez mon âme d’un pesant fardeau !

— Capitaine de Locheill, fit le général Murray d’un ton sévère, je suis surpris de vous entendre intercéder pour les d’Haberville, qui se sont montrés nos ennemis les plus acharnés.

— C’est leur rendre justice, général, répond Arché, que de reconnaître qu’ils ont combattu courageusement pour la défense de leur pays, comme nous l’avons fait pour le conquérir ; et c’est avec confiance que je m’adresse au cœur d’un brave et vaillant soldat, en faveur d’ennemis braves et vaillants.

De Locheill avait touché une mauvaise corde, car