Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est bien vite franchi. Il est bien vrai que Jules, qui tient José à bras-le-corps, fait de grands efforts, de temps à autre, pour le désarçonner, au risque de jouir en commun du luxe exquis de prendre un bain à dix degrés centigrades : peine inutile ; il lui serait aussi difficile de culbuter le cap Tourmente, dans le fleuve Saint-Laurent. José, qui, malgré sa moyenne taille, est fort comme un éléphant, rit dans sa barbe et ne fait pas semblant de s’en apercevoir. Une fois l’obstacle surmonté, José retourne seul chercher le traîneau, rattèle le cheval, remonte dessus, avec le bagage devant lui, crainte de le mouiller, et rattrape bien vite ses compagnons de voyage, qui n’ont pas un instant ralenti leur marche.

Grâce à Jules, la conversation ne tarit pas un instant pendant la route. Arché ne fait que rire de ses épigrammes à son adresse ; il y a longtemps qu’il en a pris son parti.

— Dépêchons-nous, dit d’Haberville, nous avons douze lieues à faire d’ici au village de Saint-Thomas[1]. Mon oncle, de Beaumont, soupe à sept heures. Si nous arrivons trop tard, nous courrons risque de faire un pauvre repas. Le meilleur sera gobé ; tu connais le proverbe : tardè venientibus ossa.

— L’hospitalité écossaise est proverbiale, dit Arché ; chez nous l’accueil est toujours le même, le jour comme la nuit. C’est l’affaire du cuisinier.

— Credo, fit Jules ; je le crois aussi fermement que si je le voyais des yeux du corps ; sans cela, vois-tu, il y aurait beaucoup de maladresse ou de mauvais vouloir chez vos cuisiniers portant jupes. Elle est

  1. Maintenant village Montmagny.