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LES ANCIENS CANADIENS.

que votre tombeau sera arrosé de larmes aussi abondantes, aussi amères, par votre sœur Blanche, que si elle eût été votre épouse.

Et lui serrant la main avec affection dans les siennes, elle ajouta :

— Il se fait tard, Arché, retournons au logis.

— Vous ne serez jamais assez cruelle envers moi, envers vous-même, répondit Arché, pour persister dans votre refus ! oui ; envers vous-même, Blanche, car l’amour d’un cœur comme le vôtre ne s’éteint pas comme un amour vulgaire ; il résiste au temps, aux vicissitudes de la vie. Jules plaidera ma cause à son retour d’Europe, et sa sœur ne lui refusera pas la première grâce qu’il lui demandera pour un ami commun. Ah ! dites que je puis, que je dois espérer !

— Jamais, dit Blanche, jamais, mon cher Arché. Les femmes de ma famille, aussi bien que les hommes, n’ont jamais manqué à ce que le devoir prescrit, n’ont jamais reculé devant aucun sacrifice, même les plus pénibles. Deux de mes tantes, encore jeunes alors, dirent un jour à mon père (k) : tu n’as déjà trop de fortune, d’Haberville, pour soutenir dignement le rang et l’honneur de notre maison : notre dot, ajoutèrent-elles en riant, y ferait une brèche considérable ; nous entrons demain au couvent où tout est préparé pour nous recevoir. Prières, menaces, fureur épouvantable de mon père ne purent ébranler leur résolution : elles entrèrent au couvent, qu’elles n’ont cessé d’édifier par toutes les vertus qu’exige ce saint état.

Quant à moi, Arché, j’ai d’autres devoirs à remplir : des devoirs bien agréables pour mon cœur : rendre la vie aussi douce que possible à mes parents, leur