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LES ANCIENS CANADIENS.

pouvait expliquer l’absence : lui, d’ordinaire si ponctuel en toute occasion.

— Eh ! bien ! mes chers amis, dit M. d’Haberville au dessert, que pensez-vous des présages qui m’avaient tant attristé il y a dix ans ? votre opinion d’abord, M. le curé, sur ces avertissements mystérieux que le ciel semblait m’envoyer ?

— Je pense, répondit le curé, que tous les peuples ont eu ou ont cru avoir leurs présages, dans les temps même les plus reculés. Mais, sans chercher bien loin, dans des temps comparativement modernes, l’histoire romaine fourmille de prodiges et de présages. Les faits les plus insignifiants étaient classés comme bons ou mauvais présages : les augures consultaient le vol des oiseaux, les entrailles des victimes ; que sais-je ? aussi, prétend-on que deux de ces véridiques et saints personnages ne pouvait se regarder sans rire.

— Et vous en concluez ? dit M. d’Haberville.

— J’en conclus, répliqua le curé, qu’il ne faut pas s’y arrêter ; qu’en supposant même qu’il plût au ciel, dans certaines circonstances exceptionnelles, de donner quelques signes visibles de l’avenir, ce serait une misère de plus à ajouter à celles déjà innombrables auxquelles la pauvre humanité est exposée. L’homme naturellement superstitieux serait dans un état conditionnel d’excitation fébrile, insupportable, cent fois pire que le malheur qu’il redouterait sans cesse.

— Eh bien ! dit monsieur d’Haberville, qui, comme tant d’autres, ne consultait autrui que pour la forme, je crois, moi, fort de mon expérience, qu’il faut y ajouter foi le plus souvent. Toujours est-il que les présages ne m’ont jamais trompé. Outre ceux dont