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LES ANCIENS CANADIENS.

voici notre ami de Locheill qui entre dans l’avenue ; je vais aller au-devant de lui.

— Vous voyez, mon cher Arché, dit le capitaine en l’embrassant, que nous vous avons traité sans cérémonie, comme l’enfant de la maison, en nous mettant à table après une demi-heure d’attente seulement. Connaissant votre exactitude militaire, nous avons craint que des affaires indispensables ne vous empêchassent de venir.

— J’aurais été bien peiné que vous m’eussiez traité autrement que comme l’enfant de la maison, reprit Arché. J’avais bien pris mes mesures pour être ici ce matin de bonne heure ; mais j’avais compté sans l’agréable savane du Cap Saint-Ignace (d). Mon cheval est d’abord tombé dans un pot-à-brai, d’où je ne l’ai retiré, après beaucoup d’efforts, qu’aux dépens de mon harnais, qu’il m’a fallu raccommoder comme j’ai pu. Une des roues de ma voiture s’est ensuite brisée dans une fondrière ; et j’ai été contraint d’aller chercher du secours à l’habitation la plus proche, distance d’environ une demi-lieue ; enfonçant souvent dans la vase jusqu’aux genoux, et mort de fatigue.

— Ah ! mon cher Arché, dit Jules, l’éternel railleur : quantùm mutatus ab illo ! comme dirait mon cher oncle Raoul, s’il eût pris la parole avant moi, ou comme tu dirais toi-même. Qu’as-tu donc fait de tes grandes jambes dont tu était jadis si fier dans cette même savane ? ont-elles perdu leur force et leur agilité depuis le 28 avril, 1760 ? Tu t’en étais pourtant furieusement servi dans la retraite, comme je te l’avais prédit.

— Il est vrai, réplique de Locheill en riant aux éclats, qu’elles ne me firent pas défaut dans la retraite