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LES ANCIENS CANADIENS.

De Locheill garda longtemps le silence ; et répondit après un effort pénible :

— Impossible, mon frère : la blessure est plus récente que tu ne le crois, et saignera pendant tout le cours de ma vie, car tout mon avenir de bonheur est brisé. Mais laissons ce sujet : j’ai déjà été assez froissé dans mes sentiments les plus purs : un mot désobligeant de ta bouche ne pourrait qu’envenimer la plaie.

— Un mot désobligeant de ma bouche ! dis-tu, Arché ! Qu’entends-tu par cela ? L’ami, le frère que j’ai quelquefois offensé par mes railleries, sait très bien que mon cœur n’y avait aucune part ; que j’étais toujours prêt à lui en demander pardon. Tu secoues la tête avec tristesse ! Qu’y a-t-il bon Dieu ? Qu’y a-t-il que tu ne peux confier à ton ami d’enfance ? À ton frère, mon cher Arché ? Je n’ai jamais eu, moi, rien de caché pour toi : tu lisais dans mon âme comme dans la tienne, et tu paraissais me rendre la réciproque. Tu semblais aussi n’avoir aucun secret pour moi. Malédiction sur les événements qui ont pu refroidir ton amitié !

— Arrête, s’écria Arché ; arrête, mon frère, il est temps ! Quelque pénibles que soient mes confidences, je dois tout avouer plutôt que de m’exposer à des soupçons qui, venant de toi, me seraient trop cruels. Je vais te parler à cœur ouvert, mais à la condition expresse que, juge impartial, tu m’écouteras jusqu’à la fin sans m’interrompre. Demain, demain seulement, nous reviendrons sur ce pénible sujet ; jusque-là, promets-moi de garder secret ce que je vais te confier.