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CONCLUSION.

gens, qui croient de bonne foi que toutes les femmes les adorent, et qu’ils n’ont que le choix des plus beaux fruits dans la vaste récolte des cœurs, de Locheill avait une humble opinion de lui-même. Doué d’une beauté remarquable, et de toutes les qualités propres à captiver les femmes, il se faisait remarquer de tout le monde par ses manières élégantes dans leur simplicité, lorsqu’il paraissait dans une société ; mais il n’en était pas moins aussi modeste que séduisant, et croyait, avec la Toinette de Molière, que les grimaces d’amour « ressemblent fort à la vérité » (c). J’étais pauvre et proscrit, pensait-il, j’ai été aimé pour moi-même ; qui sait maintenant que je suis riche, si une autre femme aimerait en moi autre chose que mon rang et mes richesses, en supposant toujours que mon premier, et mon seul amour, pût s’éteindre dans mon cœur ? Arché se décida donc au célibat.

Le soleil disparaissait derrière les Laurentides, lorsque de Locheill arriva à la ferme de Dumais. Il fut agréablement surpris de l’ordre et de la propreté qui régnaient partout. La fermière, occupée des soins de sa laiterie, et assistée d’une grosse servante, s’avança au-devant de lui sans le reconnaître, et le pria de se donner la peine d’entrer dans la maison.

— Je suis ici, je crois, dit Arché, chez le sergent Dumais.

— Oui, monsieur, et je suis sa femme ; mon mari ne doit pas retarder à revenir du champ avec une charretée de gerbes de blé ; je vais envoyer un de mes enfants pour le hâter de revenir.

— Rien ne presse, madame ; mon intention en venant ici est de vous donner des nouvelles d’un M.