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NOTES DU CHAPITRE QUATORZIÈME.

Ci-suit un extrait de la capitulation :

« Ce 3 juillet 1754, à huit heures du soir.

« Capitulation accordée par M. de Villiers, capitaine d’infanterie, commandant les troupes de S. M. T. C., à celui des troupes anglaises actuellement dans le fort de la Nécessité qui avait été construit sur les terres du domaine du roy :

« Savoir : comme notre intention n’a jamais été de troubler la paix et la bonne armonie (sic) qui régnait entre les deux princes amis, mais seulement de venger l’assassin qui a été fait sur un de nos officiers porteur d’une sommation et sur son escorte, etc. »

Nous lisons ensuite à l’article VII de cette capitulation :

« Que comme les Anglais ont en leur pouvoir un officier, deux cadets, et généralement les prisonniers qu’ils ont faits dans l’assassinat du Sieur de Jumonville, etc. »

« Fait double sur un des postes de notre blocus, etc. »

« (Signés) James Mackay,
G. Washington.
« (Signé) Coulon Villiers. »[1]

Certes, personne n’est plus disposée que moi à rendre justice aux grandes qualités du héros américain ; lorsque l’on s’entretenait dans ma famille de la mort cruelle et prématurée de notre parent assassiné au début d’une carrière qui promettait d’être brillante, je cherchais à excuser Washington sur sa grande jeunesse ; il n’était alors, en effet, âgé que de vingt ans. Je faisais valoir ses vertus, son humanité, lorsque, vingt-deux ans après cette catastrophe, il prenait en main la cause de ses compatriotes et créait une grande et indépendante nation.

Aussi n’aurais-je jamais songé à tirer de l’oubli cette déplorable aventure, si Washington lui-même ne m’en eut donné l’occasion en cherchant, pour se disculper, à ternir la réputation de mon grand-oncle Jumonville, dans des mémoires qu’il a publiés plusieurs années après la catastrophe.

« Nous étions informés, dit-il, que Jumonville, déguisé en sauvage, rôdait (was prowling) depuis plusieurs jours aux environs de nos postes, et je dus le considérer comme un espion. »

Cette excuse n’a rien de vraisemblable, parce que Washington ne pouvait pas ignorer que non-seulement les soldats, mais les officiers mêmes de l’armée française, lorsqu’ils faisaient la guerre dans les forêts, portaient le costume des aborigènes : capot court, mitasses, brayets et souliers de chevreuil. Cet accoutrement souple et léger leur donnait un grand avantage sur des ennemis toujours vêtus à l’européenne. De Jumonville ne pouvait non plus, sans une témérité blâmable, se rendre directement aux postes des Anglais, qu’en prenant de grandes précautions ; les bois étant infestés de sauvages, ennemis des Français, qui, dans un premier mouvement, auraient peu respecté son titre de parlementaire.

  1. Le double de ce document existe encore au greffe de Montréal. L’autre copie est aux archives de la marine, à Paris.