Ci-suit un extrait de la capitulation :
« Capitulation accordée par M. de Villiers, capitaine d’infanterie, commandant les troupes de S. M. T. C., à celui des troupes anglaises actuellement dans le fort de la Nécessité qui avait été construit sur les terres du domaine du roy :
« Savoir : comme notre intention n’a jamais été de troubler la paix et la bonne armonie (sic) qui régnait entre les deux princes amis, mais seulement de venger l’assassin qui a été fait sur un de nos officiers porteur d’une sommation et sur son escorte, etc. »
Nous lisons ensuite à l’article VII de cette capitulation :
« Que comme les Anglais ont en leur pouvoir un officier, deux cadets, et généralement les prisonniers qu’ils ont faits dans l’assassinat du Sieur de Jumonville, etc. »
« Fait double sur un des postes de notre blocus, etc. »
G. Washington.
- « (Signé) Coulon Villiers. »[1]
Certes, personne n’est plus disposée que moi à rendre justice aux grandes qualités du héros américain ; lorsque l’on s’entretenait dans ma famille de la mort cruelle et prématurée de notre parent assassiné au début d’une carrière qui promettait d’être brillante, je cherchais à excuser Washington sur sa grande jeunesse ; il n’était alors, en effet, âgé que de vingt ans. Je faisais valoir ses vertus, son humanité, lorsque, vingt-deux ans après cette catastrophe, il prenait en main la cause de ses compatriotes et créait une grande et indépendante nation.
Aussi n’aurais-je jamais songé à tirer de l’oubli cette déplorable aventure, si Washington lui-même ne m’en eut donné l’occasion en cherchant, pour se disculper, à ternir la réputation de mon grand-oncle Jumonville, dans des mémoires qu’il a publiés plusieurs années après la catastrophe.
« Nous étions informés, dit-il, que Jumonville, déguisé en sauvage, rôdait (was prowling) depuis plusieurs jours aux environs de nos postes, et je dus le considérer comme un espion. »
Cette excuse n’a rien de vraisemblable, parce que Washington ne pouvait pas ignorer que non-seulement les soldats, mais les officiers mêmes de l’armée française, lorsqu’ils faisaient la guerre dans les forêts, portaient le costume des aborigènes : capot court, mitasses, brayets et souliers de chevreuil. Cet accoutrement souple et léger leur donnait un grand avantage sur des ennemis toujours vêtus à l’européenne. De Jumonville ne pouvait non plus, sans une témérité blâmable, se rendre directement aux postes des Anglais, qu’en prenant de grandes précautions ; les bois étant infestés de sauvages, ennemis des Français, qui, dans un premier mouvement, auraient peu respecté son titre de parlementaire.
- ↑ Le double de ce document existe encore au greffe de Montréal. L’autre copie est aux archives de la marine, à Paris.