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UN SOUPER CHEZ UN SEIGNEUR CANADIEN.

consternation générale, quand il fallut se mettre à table vers onze heures, sans vous attendre davantage (le lendemain étant jour d’abstinence), vous auriez été attendri jusqu’aux larmes. Quant à madame votre épouse, c’est une ingrate, oui, une ingrate. Voyant, un peu avant onze heures, qu’elle ne se pressait pas de nous donner la soupe, qu’elle commençait même à être un peu inquiète de son cher mari, je lui glissai un petit mot à l’oreille, et elle me cassa, pour remerciement, son éventail sur la figure.

Tout le monde éclata de rire, et le capitaine partagea de grand cœur l’hilarité générale.

— Comment se fait-il, Marcheterre, dit M. de Beaumont, que vous n’ayez jamais raconté cette bonne espièglerie ?

— Il y avait de la presse, reprit le capitaine, de répandre partout que nous avions été mystifiés par ce maringouin ; d’ailleurs c’eût été peu obligeant de notre part de vous faire savoir que vous deviez cette fête à la munificence de M. Jules d’Haberville : nous préférions en avoir le mérite. Si j’en parle aujourd’hui, c’est que j’ai trouvé le tour si drôle, que je pensais vous amuser en vous le racontant.

Il me semble, M. le plongeur, fit ensuite Marcheterre en s’adressant à Arché, que malgré vos airs réservés de philosophe, vous avez été complice de votre cher compagnon de voyage ?

— Je vous donne ma parole, dit de Locheill, que j’ignorais absolument le tout : ce n’est que le lendemain que Jules me fit part, sous secret, de son escapade, dont je le grondai sévèrement.

— Dont tu n’avais guère profité, fit d’Haberville ; en faisant jouer tes grandes jigues (jambes) écos-