Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
UN SOUPER CHEZ UN SEIGNEUR CANADIEN.

sauvages ; et les mœurs et coutumes de ces aborigènes qu’il avait beaucoup fréquentés.

— Quoique natif de Saint-Thomas, j’ai été élevé, leur dit-il un jour, dans la paroisse de Sorel. J’avais dix ans et mon frère neuf, lorsque nous fûmes surpris dans les bois, où nous cueillions des framboises, par un parti d’Iroquois qui nous fit prisonniers. Arrivés, après une assez longue marche, à leur canot caché dans les broussailles, près de la grève, ils nous transportèrent sur une des îles nombreuses qui bordent le Saint-Laurent (k). Quelqu’un donna l’alarme à ma famille, et mon père, ainsi que ses trois frères, armés jusqu’aux dents, se mirent aussitôt à leur poursuite. Ils n’étaient que quatre contre dix, mais, je puis le dire, sans me vanter, que ce sont des hommes que mon père et mes oncles auxquels je ne conseillerais à personne de cracher au visage. Ce sont des hommes d’une bonne taille, la poitrine ouverte, et dont les épaules déplombent de six bon pouces en arrière.

Il pouvait être dix heures du soir ; nous étions assis, mon frère et moi, au milieu de nos ennemis dans une petite clairière entourée de bois touffus, lorsque nous entendîmes la voix de mon père qui nous criait : « couchez-vous à plat ventre. » Je saisis aussitôt par le cou mon petit frère, qui pleurait et que je tâchais de consoler, et je l’aplatis avec moi sur la terre. Les Iroquois étaient à peine sur leurs pieds que quatre coups de fusil bien visés en abattirent quatre qui se roulèrent à terre comme des anguilles. Les autres canouaches (nom de mépris) ne voulant pas, je suppose, tirer au hasard, sur des ennemis invisibles auxquels ils serviraient de cible, firent un mouvement pour chercher l’abri des arbres, mais nos libérateurs