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MÉMOIRES.

Arrivé à sa destination, le condamné monte à reculons l’échelle fatale ; le bourreau la tourne et la corde corrodée se rompt. Le peuple ouvre aussitôt les rangs, le prisonnier renverse d’un bond furieux un ou deux soldats qui obstruait le passage, et prend sa course dans la direction de la basse-ville. Les rangs du peuple se resserrent aussitôt ; et il fallu un certain temps au piquet de soldats qui entouraient la potence pour se faire jour à travers une masse compacte d’hommes, peu disposés à leur livrer passage. Il est aussi à supposer que les soldats mettaient peu de bon vouloir à rattraper un de leurs camarades qui avait toute leur sympathie. Cet obstacle, néanmoins, surmonté, ils se mirent à la poursuite du fugitif qu’ils ne perdirent de vue que lorsqu’il se réfugia chez un tonnelier dans la rue Sault-au-Matelot.

Lorsqu’ils entrèrent dans cette maison, ils virent le tonnelier, un cercle d’une main, un maillet de l’autre, et le dos tourné à une tonne placée au beau milieu de sa boutique, et qu’il achevait de foncer.

— Où est le prisonnier, dit celui qui commandait les soldats ?

— Quel prisonnier ? fit le tonnelier, en les regardant avec un sang froid mêlé d’un étonnement joué à merveille.

Les soldats crurent en voyant la porte qui donnait sur la cour ouverte, que le fugitif s’était évadé ce côté-là. Le tonnelier les accompagne dans leur recherche inutile, s’empresse même d’aller quérir une chandelle pour visiter la cave de sa maison et paraît faire son possible pour découvrir le criminel.