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MÉMOIRES.

de mœurs irréprochables, que le sieur Bigot. Mais il se rencontre une petite difficulté, quant à madame Bigot et à sa vengeance : c’est peu, à la vérité, mais il faut toujours en faire mention : il paraît que la chère madame Bigot n’a jamais existée !

D’autres légendaires ont prétendu que les parents de la jeune Indienne, scandalisés de sa vie peu édifiante l’avaient probablement assassinée : ceux-là avaient, je suppose, des doutes quant à l’existence de madame Bigot. J’ai connu beaucoup de jeunes et jolies sauvagesses autrefois : on prétendait qu’elles n’étaient pas irréprochables du côté de la chasteté, et que leurs parents étaient assez indulgents pour leurs faiblesses. Un missionnaire rassemble un jour les chefs d’une tribu indienne, que je me donnerai garde de nommer, et leur reproche avec sévérité qu’ils ferment les yeux sur la conduite licencieuse de leurs enfants ; l’auditoire paraît très contrit et repentant, et aux parties les plus pathétiques de la semonce, baisse les épaules en poussant le cri Hoa ! Le missionnaire, croyant à leur contrition, allait se retirer, lorsqu’un vieux chef, après s’être consulté avec les autres, se lève et dit : « Que veux-tu, mon père, ça été avant nous, et ça sera encore après. » — Cet Indien était, je pense, fataliste.

L’auteur de la brochure anglaise que j’ai citée, tout en racontant que la femme de M. Bigot empoisonna la maîtresse de son infidèle mari, reporte cette scène tragique à des temps beaucoup plus reculés et l’attribue à un des anciens gouverneurs de la Nouvelle-France ; ce qui m’interdit la mission chevaleresque de soutenir l’honneur de nos anciennes dames canadiennes.