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MÉMOIRES.

maintenant les étaux des bouchers de la haute-ville de Québec, prend la rue Saint-Jean, débouche par celle de la Fabrique, et l’inconnu, comme le vieillard malfaisant des « Mille et une Nuits », qui portait sans cesse sur ses épaules, attaché à son cou, Sinbad le marin, ne bouge pas de la charge. « Guard ! turn out ! » cria la sentinelle des casernes des Jésuites : le piquet présente les armes, le vieillard porte de nouveau la main à son vieux casque et salue aussi les passants qui se découvrent à son aspect. Jean-Baptiste ôte de nouveau son bonnet, salue d’abord la garde et ensuite tous les citoyens si polis envers eux. Il était tout émerveillé de voir que la civilisation, depuis sa dernière visite, avait avancée, ou plutôt rétrogradée de cinquante ans. Il arrête à la fin sa voiture, le vieillard saute assez lestement à terre, le remercie de sa courtoisie, lui coule une pièce de monnaie quelconque dans la mitaine, et était déjà loin, quand quelques personnes, accourues par curiosité, lui demandèrent ce que le Gouverneur lui avait donné.

— Quel Gouverneur ? fit Jean-Baptiste : apprenez, messieurs, qu’on ne se moque pas du monde comme ça : si ma voiture n’est pas convenable pour mener des Gouverneurs, elle me suffit pour vous amener du bois. Vous gèleriez de froid et crèveriez de faim, bande de fainéants, sans les habitants qui vous chauffent et vous nourrissent ! Sachez que j’ai une belle et bonne carriole, quand je veux sortir proprement, le dimanche, et que beaucoup d’entre vous ne peuvent en dire autant.

Les habitants de Beauport n’étaient pas aisés à ferrer, suivant le proverbe canadien.