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MÉMOIRES.

McCarthy était donc un ennemi redoutable ; mais j’étais déterminé de me soustraire à sa tyrannie, et il m’en fournit lui-même l’occasion. Un jour que je me rendais à l’école, mes livres, cahiers et encrier dans un sac, il me demanda l’argent que je lui devais, et sur ma réponse que je n’en avais pas, il m’arrache le sac en me disant qu’il allait vendre le tout pour se payer.

C’était une feinte ; mais je le pris au sérieux et je lui administrai un coup de poing qui l’étendit sur le pavé. Il se relève, et jamais jeune tigre ne s’élança sur sa proie avec plus de rage et de fureur qu’il ne fit, tant il était loin de s’attendre à un si rude assaut de ma part. La lutte fut violente ; il déchira mes habits, mais il lui fallut demander quartier. Connaissant sa nature vindicative, je ne sortis qu’avec crainte pendant plusieurs jours ; mais lorsque je le rencontrais, il détournait la tête, en feignant de ne me point voir. Je l’abordai un jour pour lui payer ce que je lui devais :

Est-ce que tu me conserves de la rancune ? me dit-il. — Non. — Eh bien ! soyons amis comme par le passé.

Sauf quelques petites escarmouches, nous avons été depuis les meilleurs compagnons du monde.

Ce fut l’année suivante, pendant l’été, vers cinq heures de l’après-midi, que la maison où je pensionnais fut assiégée par une troupe de matelots. Nous étions à la fenêtre, lorsque Coq Bezeau arriva en pleurant, et criant que son père avait tué un homme. Ce père, ou plutôt ce beau-père, lequel avait nom Hyacinthe Chôlette, et frère de mon vieux Ives, était un des fiers-à-bras les plus tapageurs de Québec ; il s’était