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MÉMOIRES.

l’on décide dans l’espace de cinq minutes, une affaire qui durerait des journées entières en se disant des injures. Mais pour en revenir à mon Portugais, il me dit que les gens de son pays ne se battaient qu’avec des poignards et des épées, et que si le cœur m’en disait il me donnerait une leçon avec ces armes.

Comme je vis qu’il cherchait midi à quatorze heures, je répliquai qu’il n’avait pas même le courage des femmes de Liverpool qui faisaient le coup de poing comme les hommes, et qu’il ne méritait pas de porter les deux boucles d’oreilles dont il paraissait si fier. Et là-dessus je le débarrassai de ces ornements.

— Comment, fis-je, il vous laissa faire sans dire mot.

— Pardié ! fit Lafleur, je n’attendis pas son consentement, je tirai un peu fort et elles me restèrent entre les doigts. L’animal beuglait comme un taureau ; les spectateurs prirent sa part, et je fus conduit devant un magistrat.

— C’est vous, maître Lafleur, me dit ce crabe de terre, qui revenez mettre le désordre dans la basse-ville, qui jouissait de quelque repos depuis votre départ ; vous allez payer pour toutes vos anciennes fredaines, et les vitres que vous m’avez cassées, vaurien que vous êtes !

Heureusement que, sur les entrefaites, arrive mon beau-père, grand ami du juge de paix. Ma mère, que l’on avait prévenue, le traînait, comme un chien qu’on conduit à vêpres à coups de bâtons. J’en fus quitte pour trente piastres que l’aimable vieillard paya au chien de Portugais.