Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/215

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Je reçus une invitation des membres d’un club militaire à une partie de cricket (jeu de la crosse), qui devait avoir lieu sur les plaines d’Abraham, et je leur fis réponse que c’était un jeu inconnu à nous Canadiens-français.[1] N’importe, me dit mon ami le capitaine Day : si vous ne jouez pas, vous prendrez toujours votre part d’un bon dîner, sur les lieux même après la joute.

Rendus sur l’arène, les deux plus forts joueurs choisirent, chacun de leur côté, ceux qui devaient prendre part à la lutte ; et l’un d’eux me prit pour compléter le nombre de ses associés. On parla beaucoup pendant le dîner, et surtout au dessert, de cette partie de cricket si bien contestée, et les vainqueurs dirent que courant très vite j’avais puissamment contribué au gain de la partie. Je ne m’en serais jamais douté ; mais il ne m’en fallut pas davantage pour me monter la tête, déjà fortement exaltée par le vin de Madère qui coulait à grands flots suivant l’usage à cette époque ; et je fis la gageure la plus sotte, la plus insensée que jamais jeune homme ait proposée. Je pariai dix guinées contre une que je vaincrais, à une course d’un mille, n’importe quel antagoniste des officiers en garnison à Québec, que l’on m’opposerait. Mon pari fut aussitôt accepté par tous les assistants, mais il me restait encore assez de bon sens pour me borner à quatre. Le capitaine Skynner se chargea aussitôt de soutenir l’honneur de l’armée.

  1. Ce jeu est pourtant d’origine bretonne ; il s’appelle encore criquet dans la Bretagne.