Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/259

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— Lieux communs, mon cher, répondit Plamondon, aménités journalières entre avocats : il eût été plus modeste et plus spirituel de dire : ma cause est mauvaise, mais je n’aurai pas la consolation de la perdre, parce que le juge B……la décidera.

Vallière, tout spirituel qu’il fût, avait rarement l’avantage dans ce genre d’escrime : Plamondon était alors sur son terrain, comme Crébillon en enfer : le seul jouteur qu’il redoutait était Justin McCarthy. J’aurai occasion de revenir sur ce sujet.

Il se faisait un grand débit de boisson pendant la cour de tournée à Kamouraska : outre les auberges de la paroisse, il y avait même des tentes érigées aux environs de la cour où chacun se désaltérait à qui mieux mieux : le plaideur heureux pour se réjouir de son succès ; et celui qui avait perdu sa cause pour noyer son chagrin.

Le dernier jour de la cour terminé, je retournais avec mes trois amis à notre maison de pension, lorsqu’en passant près d’un hangar, nous vîmes un homme endormi la face contre terre. Cette homme était porteur d’une couette[1] entourée de peau d’anguille, d’une longueur formidable. C’était le client de Vallière ; il n’y avait pas à s’y tromper à la vue de cet ornement qui commençait à passer mode. Notre ami le pousse pour s’assurer s’il est bien endormi, et satisfait sur ce point, il tire son canif, lui coupe la couette ras la tête et lui met ce trophée dans la main. Il va ensuite chercher une longue perche qui était sur une clôture et commence à lui labourer les côtes. Nous étions tous

  1. On disait toujours couette, en Canada, au lieu de queue.