Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/316

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temps ne le cédaient, sous le rapport de la respectabilité à n’importe laquelle des autres classes de citoyens de la ville de Québec. Plusieurs d’entre eux étaient des petits rentiers, des propriétaires, tous des chefs d’atelier, etc., etc., etc.

Vallière secoua la tête sans répondre, et je continuai :

— Si ce criminel et les cinq à six canailles déguenillées qui attendent leur procès derrière lui, ne sont pas les pairs des jurés, (et vous avouerez qu’il s’en trouve rarement sur le banc des prévenus,) pourquoi alors ne pas instruire simplement leur procès devant les trois juges qui siègent aujourd’hui ? De quelle utilité est cette forme de retirer tout pouvoir des mains d’hommes instruits pour le déléguer à des hommes honnêtes mais ignorants ?

Mes amis anglais Green et Christie, qui n’avaient pas encore perdu leur espoir quant à mon intelligence, élevèrent les yeux vers le ciel en s’écriant : vous finirez par comprendre ce glorieux système, (this glorious system). Leur admiration ne leur permit pas d’en dire davantage.

— Vous savez, ou vous ignorez peut-être, fit Plamondon, (car vous ne paraissez pas fort, l’ami, sur le code criminel,) que les petits jurés ne décident qu’une chose bien simple et à la portée de tout le monde : le prévenu a-t-il oui ou non commis le délit dont il est accusé d’après les témoignages qu’ils ont entendus. Il ne s’agit que de constater un fait, et douze hommes le font plus sûrement que les trois juges qui siègent dans les cours criminelles. Quant aux questions légales, elles sont du ressort du banc judiciaire exclusivement.