Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/338

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Le sang des braves coulait dans les veines du major LaForce : son oncle paternel s’était distingué par de nombreux faits d’armes avant la conquête ; les annales du Canada en font foi. Son père fut un des plus braves défenseurs de la ville de Québec pendant les deux sièges de 1759 et de 1775 ; sa mère même avait des sentiments de patriotisme exaltés. Si son mari accablé de fatigue succombait au sommeil pendant ces deux sièges et qu’elle entendait sonner l’alarme, elle l’éveillait aussitôt, lui apportait ses armes en lui criant : dépêche-toi, LaForce ! Quelle honte pour nous, si tu n’étais pas le premier rendu sur les remparts !

Je tiens cette anecdote de deux de mes oncles enfermés aussi dans l’enceinte des murs de Québec pendant ces deux sièges.

On reprochait au major LaForce d’avoir la tête près du bonnet, par suite de quelques rencontres dans lesquelles il avait assez malmené ses adversaires ; je crois, pour ma part, qu’il devait avoir été poussé à bout, car je n’ai jamais connu homme d’un commerce plus facile.

Cet homme si gai, si spirituel, cet homme aussi loyal envers la couronne d’Angleterre qu’il était patriote sincère et attaché à son pays, pensa néanmoins succomber sous la tyrannie du gouvernement pendant l’administration du chevalier Craig. Incarcéré à Montréal pour ses opinions politiques, comme le furent à Québec le 17 mars 1810, les Bédard, les Blanchette, les Taschereau et autres sujets aussi loyaux que patriotes éminents, il faillit mourir dans un cachot des mauvais