Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/358

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l’été ; personne ne se souciait, à moins d’affaires indispensables, de parcourir des centaines de milles dans de mauvaises calèches à une vitesse qui ne devait pas excéder deux lieues à l’heure, suivant les règlements voulus par les statuts en faveur des maîtres de poste. Ces fonctionnaires privilégiés ne gardaient que le nombre de chevaux absolument nécessaires pour la culture de leurs terres. Un voyageur arrive chez le maître de poste et demande une voiture.

— Vous allez en avoir une dans un instant, dit la maîtresse de la maison. Mon mari laboure avec les chevaux à un pas d’ici et mon petit gas va courir en chercher un. Donnez-vous la peine de vous assir, monsieur, et fumez un peu en attendant.

Fumer était synonyme de se reposer, ou de prolonger une visite. Le voyageur attend une demi heure, regarde souvent par la fenêtre, commence à s’impatienter et dit : Votre petit gars va-t-il finir par amener le cheval, ou bien est-ce au bout du monde qu’il est allé le chercher ?

— Eh ! non ! non ! mon beau monsieur, fait Josephte[1] ; ce n’est qu’à un pas d’ici, à une petite demi lieue au bout de notre terre.

Une autre fois les chevaux ne labourent pas, mais ils paissent dans la prairie, ou dans les bois à une grande distance, et se doutant de la politesse qui les attend une fois le mors dans la bouche, ils ne finissent par se laisser prendre qu’après une lutte des plus acharnées

  1. Josephte : sobriquet que les gens des villes donnent aux femmes des cultivateurs.