Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/383

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avions souvent entendu parler par les gens du nord de sa force surhumaine, sans y ajouter foi, mais nous en fûmes cette fois convaincus. J’ai été depuis rendre visite au père Grenon, un brave homme s’il en fut, qui s’amusa beaucoup de la belle peur qu’il nous avait donnée.

Toute la famille Grenon, ajouta M. Pierre Fournier, est douée d’une grande vigueur, mais une seule de ses filles a hérité de la force prodigieuse de son père. Un des fils de Grenon après un séjour de trois à quatre années au service de la Compagnie du nord-ouest, retournait dans sa famille chargé de trophées sous la forme de plumets qu’il avait gagnés dans les luttes qu’il avait soutenues contre les Moferant, les Monarque, les Dumouchel, et autres fiers-à-bras redoutables, voyageurs des pays d’en haut. On informa son père, qui passait par hasard, que son fils venait d’entrer dans une auberge. Le père Grenon s’empresse d’aller le rejoindre, et voyant qu’il avait le dos tourné à la porte, il fit signe aux gens de la maison de ne rien dire, et marchant à pas de loup derrière son fils, il lui prit la tête entre ses deux mains. Le fils fit des efforts inutiles pour se dégager de cette étreinte et s’écria : C’est mon père, il n’y a pas un autre homme dans le Canada capable de me tenir avec des pinces semblables.

Quoique plusieurs des prouesses du vieux Grenon doivent appartenir au domaine de la légende, en voici une que je crois véritable, étant attestée par plusieurs personnes témoins oculaires. Grenon fit rencontre le dimanche, dans les bois, d’un jeune ours, gros