Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/386

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baissant aussitôt, ce fut à grand-peine que je réussis à mettre sur mes épaules son léger fardeau.

— Mais, dis-je au père Charretier, quel était donc le contenu de ce paquet ?

— Une misère qui ne vaut guère la peine d’en parler, reprit le vieillard ; c’était tout simplement un minot de sel.

Ça alla assez bien tant que nous marchâmes sur le chemin planche, mais lorsque nous fûmes dans les côtes, les sueurs m’abîmaient. Quant à ma compagne, elle caquetait comme une pie ; et tout en sautant sur un pied et sur l’autre, elle me faisait en ricanant des excuses de la peine que je prenais pour elle ; ajoutant que les messieurs du sud du fleuve Saint-Laurent étaient beaucoup plus polis que ceux du nord.

Lorsque je m’arrêtais pour me reposer en montant les infernales côtes, sous prétexte de lui faire admirer quelques beaux points de vue, elle me disait :

— Nous autres, montagnardes, sommes si accoutumées à ce spectacle que nous n’en faisons aucun cas ; mais tenez, monsieur, je suis un peu pressée, ma mère m’attend, rendez-moi s’il vous plaît mon paquet et je vais continuer ma route, tandis que vous jouirez des beautés de la nature.

Je rentrais en terre ; la honte me donnait des forces et je répliquai que je ne voudrais pas me séparer d’une si aimable compagne ; et je repris le collier de misère tout en haletant comme un chien qu’on fesse pour lui faire tirer sa charge. J’étais éreinté, lorsque nous arrivâmes, par bonheur, à un chemin de traverse. Je lui demandai alors quel côté elle allait