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MÉMOIRES.

Lorsque monsieur de Lanaudière arriva sur les lieux, le chien était accroupi sur le sol, la tête tournée du côté des assistants qu’il regardait avec méfiance, mais sans colère. Mon oncle lui dit quelques paroles d’une voix affectueuse en langue anglaise et prononça le nom de Montgomery. Le pauvre animal fut aussitôt debout, et poussa un hurlement plaintif en le regardant avec tristesse. M. de Lanaudière s’approcha de lui d’un air caressant, et lui présenta de l’eau et du pain. Le chien but quelques gorgées d’eau à la hâte et se coucha sur la tombe de son maître, sans vouloir prendre d’autre nourriture. Bref ce ne fut qu’à l’expiration d’une huitaine de jours, que M. de Lanaudière réussit, à force de soins, de caresses, et en lui donnant à boire et à manger lui-même, à l’arracher du sépulcre de son maître.

Montgomery, (ce fut le nouveau nom qu’on lui donna) devint bien vite le favori de la famille de son bienfaiteur, sur laquelle il finit par reporter toute son affection. Six à sept mois après, mon oncle laissant Québec avec sa famille pour sa seigneurie de Sainte-Anne de La Pérade, donna l’ordre à ses domestiques de tenir le chien renfermé pendant une couple de jours. Soit négligence, soit adresse de la part de l’animal, Montgomery recouvra la liberté le soir même. Douze heures environ s’étaient écoulées depuis le départ de son maître. Le lendemain, vers quatre ou cinq heures du matin, ma tante réveillée par les aboiements d’un chien, dit à son mari : « J’entend la voix de Montgomery. »