Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/471

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surhumains pour me sauver la vie ; vous allez en juger vous-même.

— C’était pendant l’hiver, un peu avant le coucher du soleil, j’avais chassé toute la journée sur les montagnes de Beauport, et je retournais chez moi lorsqu’en descendant un morne à la raquette, une avalanche de neige partit du haut de la montagne, m’ensevelit par-dessus la tête, mais heureusement sans me renverser. La neige pelotait, et je me trouvai aussitôt pressé de toutes parts comme dans un étau, j’eus bien vite cependant recouvré l’usage de mes bras en jouant des coudes, et je me débarrassai de la neige qui m’étouffait. Quoique libéré d’autant, la position n’en était pas moins épouvantable, enchaîné comme je l’étais par les pieds au moyen de fortes courroies de peau d’original passées à double tour au-dessus de mes talons et attachées à des grandes raquettes recouvertes d’une couche de neige durcie de près de six pieds d’épaisseur.

Je me crus perdu sans ressource aucune, lorsque j’envisageai toute l’horreur de ma situation ! Je recommandai mon âme à Dieu, car je n’avais aucun secours à attendre des hommes dans ce lieu solitaire ; et connaissant ce qu’il fallait déployer de force pour ma délivrance, la tâche me paraissait surhumaine. Il ne me restait en effet d’autres moyens de salut que de rompre les courroies en restant appuyé sur un seul pied et en tirant l’autre de toutes mes forces ; et vous concevez que plus je tirais, plus les courroies me serraient le talon qu’il s’agissait de dégager, en me causant des douleurs atroces. Le désespoir doublait pourtant mes forces ; mais ceux qui savent apprécier la position dans