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MÉMOIRES.

— grâce, messieurs, épargnez-moi ! Je suis déjà assez malheureux d’avoir une si méchante femme qui fait le tourment de ma vie !

Vivait, alors, dans la même ville, un vieillard spirituel, facétieux, nommé Liard, qui amusait tout le monde par ses saillies. Il riait franchement au nez de ceux dont la femme B――― avait terni la réputation, et leur disait que si elle avait l’audace de le calomnier, il avait le secret d’une emplâtre qui lui fermerait la bouche pour toujours. La femme B――― a vent de cette menace, et tient aussitôt sur lui les propos les plus diffamants. Monsieur Liard la laisse dire pendant quelque temps, malgré les brocards de ses amis. Mais lorsque la coupe fut pleine, il l’attendit, un jour de grand marché, pour exercer sa vengeance, et l’apostropha par ces mots au moment où elle approchait d’une voiture d’habitant dans laquelle il avait dressé ses batteries :

— Salut à la belle dame à la langue de vipère !

— C’est bien à toi, fit la mégère, d’oser me parler, vieil ivrogne ! Infâme débauché ! Voleur..........

Elle allait continuer sur ce ton, lorsque sa voix fut coupée court par une emplâtre, par trop dégoûtante, que monsieur Liard lui appliqua sur la bouche, et qu’il avait tenu cachée dans la charrette du cultivateur.

L’affaire fut portée devant les tribunaux, et donna occasion à une cause célèbre et très divertissante pour les citoyens de Québec. L’accusé tout en avouant le délit, allégua qu’il avait infligé cette punition pour venger tous les honnêtes gens diffamés depuis long-