Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/505

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après, sous le costume d’une femme d’habitant qui vient consulter le seigneur sur un procès qu’elle veut entreprendre, ou dont elle était menacée ; sur les querelles qu’elle a avec son mari, ou avec son donateur pour la rente en nature qu’elle est obligée de lui payer annuellement. Et jamais véritable Josephte[1] n’est mieux personnifiée.

Tantôt c’est une parente à demi-idiote que sa famille a renvoyée chez ses amis. Elle excellait dans ce rôle : son visage n’offrait plus, alors, que l’expression de l’idiotisme le plus pitoyable. Il fallait ensuite l’entendre faire les remarques et les questions les plus saugrenues.

Mais je reviens à la scène que j’ai promise.

Ses amis de Québec avaient souvent entendu parler de ces farces ; et la défiaient depuis longtemps de les tromper n’importe sous quel déguisement elle se présentât, lorsque sa belle-sœur Madame Charles de Lanaudière lui proposa de lui donner l’occasion d’en faire l’essai à une soirée qu’elle donnerait chez elle et à laquelle celles qui lui avaient jeté le gant seraient conviées.

Les invitations sont faites en conséquence, et mon oncle de Lanaudière s’étant chargé à dessein de faire personnellement celle de Monsieur Sewell, alors Procureur du Roi, finit par lui dire :

— Qu’il tenait fort à ce qu’il ne lui fit pas défaut : qu’une vieille seigneuresse, son amie Mme K*** était arrivée la veille pour consulter un avocat sur un procès

  1. Josephte, sobriquet que les citadins donnent aux femmes de la campagne.