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LES MARIONNETTES.

Il m’arrive assez souvent, lorsque je descends la rue des Glacis, dans le faubourg Saint-Jean, de porter mes regards vers les premières maisons de la rue d’Aiguillon, mais j’y cherche en vain celle qui me causait des émotions si vives pendant mon enfance. Il était difficile de la passer jadis sans arrêter un instant, lorsque la porte d’un tambour attenant à cette maison était ouverte, à la vue d’un grenadier de grandeur naturelle peint en couleurs vives et éclatantes sur la porte d’entrée.

Ce chef-d’œuvre de grenadier était dû au pinceau du père Marseille, fondateur du théâtre des Marionnettes de la capitale du Canada, et mort nonagénaire il y a soixante-et-sept ans. Oh ! oui ! bien mort ! ainsi que tous ceux, hélas ! de mes jeunes compagnons de collège, qui, comme moi, contemplèrent les traits sévères de ce vieillard, qui pendant cinquante ans avait désopilé la rate des nombreux spectateurs avides d’entendre les saillies qu’il prêtait à ses poupées.

Voici ce qui lui procura l’honneur d’une visite, dont il aurait, sans doute, été très-flatté quelques dix ans auparavant, mais à laquelle il était alors insensible.

C’était un jeudi pendant la belle saison de l’été, et toute la bande joyeuse des pensionnaires du séminaire de Québec se rendait à la Canardière[1] pour y passer la journée, lorsque nous vîmes, en débouchant sur la rue

  1. Maison de campagne appartenant au Séminaire de Québec.