Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/552

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dans le Haut-Canada, peuplé d’Anglo-Saxons, elle prit des proportions beaucoup plus considérables. Mais hâtons-nous de jeter un voile sur l’histoire de cette époque désastreuse ; si le Canadien-Français au cœur noble et généreux ressent vivement les injures, il est aussi prompt à les oublier, dès que son ennemi lui présente la branche d’olivier.

J’ai toujours été assez bon diable, mais peu disposé, même pendant ma jeunesse, à avaler une quantité de canards que la majorité des hommes digèrent avec autant de bonne foi que s’ils étaient doués d’estomacs d’autruche.

Je n’ai jamais cru à la belle liberté dont se targuent les Anglais.

— Mais, me disaient mes amis, que dites-vous de l’Habeas Corpus, ce grand boulevard des libertés anglaises.

— Excellent privilége, si on ne le suspendait à volonté pour envoyer à la boucherie des centaines de malheureux Irlandais ne réclamant que la liberté dont jouissent leurs co-sujets britanniques. N’ai-je pas vu, même ici, quelques-uns de nos grands patriotes, incarcérés injustement, réclamer à grands cris le privilége d’une enquête judiciaire sans pouvoir l’obtenir, et le gouvernement, de guerre lasse, n’ayant aucun grief contre eux, les faire à la fin expulser de prison par les guichetiers.

— Comme preuve, ajoutaient mes amis, de la liberté dont jouissent tous les sujets britanniques, c’est que vous verrez fréquemment un gentleman, un lord même, mettre habit bas dans les rues de Londres et boxer à outrance avec un va-nu-pieds, un crocheteur