Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/556

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vant l’expression anglaise, savent combien la perte de sang paralyse souvent la force et le courage ; aussi notre ami proposa-t-il à son antagoniste de remettre la partie au lendemain dans un endroit retiré qu’il nomma. Mais le jeune apprenti, sourd à la raison, répliqua qu’on ne pouvait choisir un lieu plus convenable pour se pocher les yeux que celui où nous étions, et qu’il n’y avait jamais de temps plus propice que le moment actuel pour cette fin. Et il se remit à frapper sur de nouveaux frais, lorsque nos amis, Burke lui-même, le menacèrent d’appeler la garde. Cette menace eut l’effet d’intimider le jeune Crispin, qui se retira tout en protestant néanmoins que la garde n’avait aucune prise sur lui, et que nous ferions mieux d’appeler un juge de paix.

Les vaincus entrèrent au mess des officiers du 49e régiment, qui n’était qu’à deux pas du lieu de la bagarre. Le messman s’empressa d’apporter un bassin plein d’eau pour bassiner le nez de notre ami, tandis qu’un domestique courait au château Saint-Louis chercher chemise, veste, culotte et habit pour remplacer les vêtements ensanglantés de notre athlète. N’importe ; après maintes ablutions, Burke, sauf le nez qui avait un peu souffert dans le combat et auquel il portait de temps en temps la main pour s’assurer s’il ne continuait pas à prendre des proportions formidables, Burke, dis-je, après avoir juré qu’il se vengerait tôt ou tard du polisson qui l’avait insulté, n’en fut pas moins un des plus gais et des plus aimables compagnons de ceux qui soupèrent avec nous.

Cette dernière scène dissipa le peu de doutes que j’a-