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MÉMOIRES.

chevalier Craig, alors gouverneur du Canada. Quelqu’un lui fit observer que c’était en carême et qu’il n’y aurait probablement pas de poisson sur la table.

— Si votre gouverneur, dit-il, n’est pas assez bien élevé pour respecter les principes religieux d’un gentilhomme qu’il invite à sa table, je lui donnerai une leçon de savoir-vivre, d’abord en ne mangeant que du pain, et ensuite plus explicite, s’il me demande raison de mon abstinence.

Cette menace fut en pure perte, car tout le premier service de table consista en soupe maigre et en poissons apprêtés à différentes sauces par le cuisinier français du château, M. Petit. Les mets furent tellement appréciés des palais britanniques qu’il ne leur resta plus de place vacante dans l’estomac pour faire honneur au second service composé uniquement de viandes. Plusieurs mêmes déclarèrent qu’ils consentiraient volontiers à être catholique… une fois par semaine, si on servait un tel dîner sur leurs tables.

Je ne puis résister à la tentation de raconter deux des bons mots, entre mille, du père de Bérey, avant de prendre congé de lui. Il était très vieux lors de la captivité de Notre-Saint-Père le Pape Pie VII, et il était bruit que Napoléon voulait obtenir une dispense de sa sainteté pour marier les prêtres du clergé catholique, et même que la chose était déjà décidée. Un mauvais plaisant aborde le vieux père de Bérey dans un cercle nombreux, et lui dit : Bonne nouvelle ! réjouissez-vous, mon révérend père ! Napoléon a obtenu du Pape une dispense de mariage pour tous les prêtres du clergé catholique.